Est de la RD Congo : Au-delà de la victoire militaire

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Date de publication
décembre-2013

Traditionnellement, le mois de décembre est celui des bilans, des évaluations ; une sorte de halte pour un regard critique rétrospectif de l’année en voie d’achèvement, avant de mettre le pied dans celle qui frappe déjà à la porte de notre destin, individuel ou collectif. Nous aurions voulu nous plier à la règle et procéder à l’inventaire de 2013 pour notre pays, la RDC. La signature de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba en février, la tenue des Concertations nationales en vue de la cohésion intérieure en octobre, la prise de Tshanzu en novembre, l’annonce de la cessation des hostilités par le M23 quelques jours plus tard, la signature des 3 déclarations de Nairobi en décembre… autant de faits qui ont marqué la vie politique mouvementée de la RDC cette année et qui feront certainement les choux gras des chroniqueurs.

En cette fin d’année, Pole Institute a choisi de projeter son regard au-delà de ces faits-là, significatifs certes, notamment  la récente victoire militaire des FARDC, l’armée nationale, sur la rébellion du 23 mars 2009, mieux connue sous l’appellation M23. Dans ce dossier intitulé « Est de la RD Congo : au-delà de la victoire militaire », les auteurs nous convient à nous projeter justement au-delà de l’événementiel pour mieux appréhender les enjeux présents et futurs pour les différents acteurs locaux, nationaux et régionaux dans toute leur complexité et leur retombée sur les populations congolaises, victimes expiatoires des guerres cycliques dont elles ne comprennent généralement ni les tenants ni les aboutissants.

Les auteurs des articles qui composent ce dossier ont été invités à écrire sur la situation qui prévaut à l’est de la RDC. Chacun a choisi son angle de lecture et le résultat, c’est un faisceau d’analyses et parfois d’émotions toujours contenues, avec cette permanence d’un regard prospectif, caractéristique du travail de Pole Institute.

Dans « Prévenir les désastres qui s’annoncent », le philosophe Godefroid Kä Mana place d’emblé les guerres de l’est de la RDC dans leur contexte régional et  en appelle à une mémoire et une conscience historiques  pour ne pas croire si vite « que la victoire des armes sera la victoire de la paix durable dans un Etat démocratique et prospère ». Pour lui, il est impératif, maintenant, que « les pays qui ont été l’épicentre de la tragédie dans  l’est de la RDC réorientent leurs politiques d’ensemble… pour créer une communauté des libertés créatrices, en vue du développement pacifique ».

L’historien Aloys Tegera à travers « Victoire des FARDC, défaite du M23 : quelle lecture faire ? » nous propose une chronologie de la crise récente de l’est de la RDC, de la solution négociée en 2009 à la déroute du M23 en novembre 2013, avec , en toile de fond, le cauchemar de l’insécurité incarnée à la fois par les milices locales qui prétendrent servir de rempart pour leurs communautés alors que, « en vivant sur le dos des communautés qu’elles sont censées protéger, les dividendes que les communautés ethniques y tirent sont bien minimes » et les milices étrangères telles que les FDLR. Au passage, il invite le gouvernement central de Kinshasa à « profiter de momentum actuel du moral et de la confiance en soi des FARDC pour sécuriser le Sud et le Nord –Kivu afin de permettre le retour des réfugiés congolais installés en Ouganda et au Rwanda depuis bientôt deux décennies. » Ce serait, ajoute-t-il, une façon de vider, une fois pour toutes, l’une des revendications fondamentales du M23 et la plus légitime ».

Dans « La guerre d l’Es de la RDC : victoire ou trêve ? », Onesphore Sematumba analyse l’exploitation politicienne que le pouvoir pourrait tirer de l’euphorie en cours après les derniers exploits des FARDC tout en rappelant que « l’est de la RDC est un sanctuaire où poussent, prolifèrent, meurent et renaissent des groupes armés au gré des contextes et des idéologies souvent simplistes, voire caricaturales ». Pour lui, la guerre n’est donc pas terminée ; elle ne ferait au contraire que commencer. Les derniers développements dans le territoire de Beni, avec les attaques des ADF –NALU ougandais qui ont massacré des civils et occupé le village de Kamango le jour de Noël en sont une preuve éloquente.

Plus optimiste, Jean-Pierre Lindiro Kabiligi juge que « Construire la paix à l’est de la RDC, cela est possible », en dépit du cynisme et de l’hypocrisie de la Communauté internationale. Le lancement de plusieurs initiatives transfrontalières et la relance en vue des projets intégrateurs de la CEPGL sont-ils des signes avant-coureurs du retour de la paix ou de simples soubresauts résultant  de la fin de la guerre ? s’interroge-t-il. Lui aussi met en grade les Congolais contre une paix imposée de l’extérieur par des puissances « qui n’ont pas d’amis mais des intérêts ». Il en appelle surtout à l’avènement d’une culture de tolérance et de justice, sans quoi la paix ne sera pas possible.

Le dossier se termine par le rayonnant article de Christiane Kayser, « Si Madiba était encore l’éclaireur du  monde… » où elle oppose la force unificatrice de l’icône mondiale morte le 5 décembre 2013 aux forces du mal à l’œuvre en Afrique pour des intérêts égoïstes.  Pour l’auteur Christiane, « nous n’avons qu’une option : apprendre de Madiba chacun à son niveau et dans son contexte pour que se développent une citoyenneté et un leadership responsables dignes de l’Afrique de demain ».

C’est sur cette recommandation que nous vous souhaitons une Joyeuse Fête de Noël et une Année 2014 de Paix. De véritable Paix.

Onesphore Sematumba

Goma, 26 décembre 2013

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