Le phénomène des groupes armés au Nord-Kivu a fait l’objet de plusieurs études par rapport à leur localisation, à leurs mobiles et à l’impact de leur présence sur les populations locales. Contrairement à la narrative dominante qui tend à expliquer la violence armée par la présence des ressources minières, la présente étude analyse les diverses autres ressources locales, justificatives à la fois de leur longévité et de leur développement. Les groupes armés sont en effet intégrés dans les circuits économiques locaux liant les milieux ruraux, d’où ils opèrent, aux centres urbains, qui sont pour eux une véritable opportunité de marchés lucratifs. Aussi, génèrent-ils des ressources financières importantes pour leur pérennisation, d’une part, et pour l’enrichissement ceux qui les entretiennent, d’autre part.
Cette étude va porter sur deux groupes, les FDLR et le NDC-Rénové. Ceux-ci sont de loin les plus actifs actuellement au Nord-Kivu et présentent par ailleurs un double intérêt. D’une part, les FDLR, groupe armé transfrontalier d’origine rwandaise et resté depuis près vingt ans l’objet des stratégies diplomatiques et militaires régionales, n’ont jamais faibli ; leur capacité de nuisance est restée intacte à l’est de la RDC. D’autre part, le NDC-R, groupe congolais issu de la scission du NDC qui sévissait dans le territoire de Walikale et dirigé par le Général Guidon Shimwiray Mwissa, a sérieusement élargi l’espace sous son contrôle, d’un côté en combattant certains groupes, et en faisant d’autres des alliés, de l’autre.
Les deux groupes offrent également l’intérêt de varier de perspectives géographiques. Les FDLR sont plus opérationnelles dans les territoires de Rutshuru, de Nyiragongo et centrent leur activisme économique dans les aires protégées (Parc National de Virunga et Domaine de Chasse de Rutshuru). Le NDC-R est, quant à lui, présent dans les territoires de Lubero et de Masisi où il impose diverses taxes sur la mobilité des biens et des personnes mais aussi dans le Walikale où il est très actif dans les circuits d’exploitation artisanale des minerais. Depuis quelques mois, ce mouvement a étendu sa zone d’influence dans certaines parties du territoire de Rutshuru, notamment dans le groupement de Bwito, d’où il prétend chasser les FDLR et tous les autres groupes étrangers. Cette extension territoriale du NDC-R correspond évidemment à l’extension de ses sources des revenus, notamment à travers l’imposition de diverses taxes aux nouvelles communautés sous son contrôle.