Les problèmes posés par l’arrivée et l’installation massives de ces populations sont multiples. Ils ont en partie une dimension politique, spécialement en ce qui concerne la représentation à différents échelons du pays pour une communauté aussi importante. Les communautés autochtones ont jusqu’ici refusé cette possibilité aux Hutu en dépit de demandes insistantes dans ce sens. L’autre dimension conflictuelle réside dans la gestion foncière où chez les autochtones la terre est une propriété collective alors que chez les allochtones, la terre surtout celle acquise par achat et mise en valeur, est une propriété privée qu’on peut léguer à sa descendance. A ce sujet, un conflit générationnel oppose les anciens aux plus jeunes qui contestent fortement le droit des chefs coutumiers d’attribuer des terres réputées communautaires.
De plus, comme ailleurs en Ituri, une compétition pour l’accès aux ressources naturelles dans la région d’installation est inévitable et, est porteuse de tensions susceptibles de déboucher sur des conflits violents.
Car en dépit d’apports reconnus des Hutu dans le développement économique de cette région notamment à travers un accroissement significatif et diversifié de la production agricole qui a contribué à désenclaver les zones où les Hutu sont établis et leurs alentours, une forte méfiance, voire une certaine hostilité se développe à leur encontre. Elle est fondamentalement basée sur un doute persistant sur l’identité de ces Hutu appelés « Banyabwisha », renforcée par des rumeurs, des préjugés et des stéréotypes, et la peur de l’importance économique croissante que prennent les Hutu, susceptible d’accroître leur poids politique. Surtout que lors des élections générales de 2018, la communauté hutu a présenté deux candidats aux élections législatives, même s’ils n’ont pas été élus. Cela alimente une sorte de théorie du complot, des soupçons d’un agenda caché, et des desseins inavoués de « balkanisation » de la région.