Résumé exécutif
Ce rapport, basé sur la théorie du triangle de la fraude et ses prolongements, vise à développer un modèle théorique pour une meilleure compréhension des acteurs, des facteurs, des formes et des conséquences des activités de fraude et de contrebande minières sur les sites de production et tout au long de la chaîne d’approvisionnement[1] des minerais de 3T (Étain, Tungstène et Tantale) dans les territoires de Masisi et de Walikale.
Les résultats des analyses révèlent que, bien que le secteur minier soit fortement réglementé, la fraude et la contrebande minières sont bel et bien courantes dans les territoires de Masisi et de Walikale et font intervenir plusieurs acteurs à la fois nationaux et étrangers. Il s’agit principalement des sociétés minières, des coopératives minières, des négociants, des artisans miniers, des travailleurs d’ONG et même des fonctionnaires de l’Etat travaillant pour les différents services commis à la lutte contre la fraude minière. L’une de grandes caractéristiques de ces acteurs qui rend aisée l’occurrence de la fraude et de la contrebande minières est qu’ils fonctionnent dans des réseaux bien structurés et entretiennent des relations de confiance et de solidarité entre eux. Plusieurs facteurs conduisent ces différents acteurs à recourir à la fraude et à la contrebande minières. Il s’agit de la présence des lacunes dans les initiatives internationales de lutte contre la fraude et la contrebande minière, de la non compétitivité du système fiscal congolais, des tracasseries fiscales opérées par les agents de l’Etat et du mauvais encadrement des agents des services étatiques.
Les résultats suggèrent aussi que la fraude et la contrebande des minerais prennent plusieurs formes novatrices et dynamiques en fonction de l’intensité du contrôle et des sanctions imposées aux fraudeurs interceptés. Elles entraînent aussi des conséquences néfastes à la fois pour les communautés qui abritent les sites miniers à travers la baisse des redevances destinées à leur développement et à la dégradation de la situation sécuritaire ainsi que pour l’Etat à travers la réduction des recettes collectées.
En définitive, pour optimiser la contribution du secteur minier au développement et à la paix durable dans la province du Nord-Kivu, certaines recommandations émergent des analyses. C’est notamment : la mise au point d’une politique d’harmonisation des prix des minerais de 3T et des taxes avec les pays limitrophes ; la dotation des services en charge de contrôle (CEEC, OCC, …) des laboratoires modernes susceptibles d’évaluer avec précision la teneur des matières à exporter et éventuellement les produits dérivés des minerais faisant l’objet des exportations ; l’amélioration de l’encadrement des agents des services publiques, notamment en termes de salaire et autres conditions de travail ; le renforcement du contrôle de tous les acteurs qui interviennent tout au long de la chaîne d’approvisionnement des minerais de 3T au Nord-Kivu ; la lutte contre l’impunité ainsi que le renforcement de la sécurité des zones minières pour limiter l’intrusion des militaires et groupes armés dans les sites.
[1] Le concept est à comprendre du point de vue de l’acheteur international.
Ajouter un commentaire