Associations Villageoises d’Epargne et de Crédit (AVEC) et culture de l’épargne chez les artisans miniers de Rubaya et de Nyabibwe

Publié en : mars 2024
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La présente étude analyse l’impact que la mise en place et
l’accompagnement des Associations Villageoises d’Epargne et de
Crédit (AVEC) a exercé sur la culture de l’épargne des artisans miniers
dans les zones d’exploitation minière artisanale de Rubaya et de
Nyabibwe. Elle analyse cet impact en partant, principalement, des cas
des AVEC initiées par Pole Institute dans les deux zones. D’approche
qualitative, cette étude combine deux techniques différentes mais
complémentaires pour la collecte des données. Il s’agit de la revue
documentaire ainsi que des entretiens semi-directifs.
La revue documentaire renvoie à l’exploitation de différents travaux et
rapports relatifs à la culture de l’épargne, aux réseaux d’épargne
informels. L’idée ici était non seulement d’approcher la notion d’AVEC,
d’en présenter l’historique et le mode de fonctionnement, mais aussi de
comprendre comment elle participe à la consolidation de la culture de
l’épargne. Quant aux entretiens semi-directifs, ils ont été réalisés avec
60 personnes dont 45 appartenant à la zone minière de Rubaya et 15 à
la zone minière de Nyabibwe. Trois-quarts de l’échantillon sont
constitués des membres des AVEC accompagnées par Pole Institute
(groupe traité) et un autre quart des membres des AVEC non
accompagnées par Pole Institute (groupe de contrôle). Les données
recueillies lors des entretiens ont été soumises à une analyse de contenu.
Les résultats de l’analyse des données recueillies révèlent, d’une part,
que les AVEC contribuent à l’éveil de la culture de l’épargne chez les
artisans miniers qui en sont membres. Tout d’abord, à l’instar de
précédentes études, il ressort des résultats de la présente étude que la
plupart des artisans miniers n’avaient pas pour habitude d’épargner une
part de leur revenu avant l’adhésion aux AVEC initiées par Pole
Institute. C’est après leur adhésion aux AVEC qu’ils ont pris conscience
qu’ils sont en mesure d’épargner une partie de ce qu’ils gagnent et, par
la même occasion, développé l’habitude de se constituer une épargne.
Bien plus, les résultats de l’étude suggèrent que l’éveil de la culture de

l’épargne chez les exploitants miniers artisanaux s’explique par le fait
qu’ils se disent déterminés à ne jamais abandonner l’habitude d’épargne
acquise à travers les AVEC, même s’il arrivait qu’ils n’en soient plus
membres. En outre, les résultats des analyses révèlent que, dans une
grande proportion, les membres des AVEC concernées par l’étude sont
plus épargnants qu’endettés.
D’autre part, les résultats des analyses suggèrent que l’appartenance des
artisans miniers aux AVEC contribue, dans une mesure considérable, à
l’amélioration des conditions d’accès à une bonne alimentation, de
scolarisation des enfants, d’accès aux soins de santé ainsi qu’à
l’augmentation du revenu et à l’acquisition des biens durables.
Au-delà de tous les points positifs de l’approche AVEC que cette étude
relève, ses résultats mettent tout aussi en lumière différents risques
qu’elle comporte ainsi que les défis auxquels les AVEC étudiées à
Rubaya et à Nyabibwe sont confrontées et qui affectent négativement
leur fonctionnement. En ce qui concerne les risques, les résultats de
l’étude dégagent l’éventualité de non-remboursement des crédits
contractés par les membres du groupe ainsi que le risque de
détournement des épargnes des membres par l’équipe de gestion.
Quant aux défis, il ressort des analyses que les AVEC situées à Rubaya
sont négativement affectées par l’activisme armé du M23 qui sévit
notamment dans le territoire de Masisi. De leur part, les AVEC situées
à Nyabibwe sont négativement impactées par le mauvais état de la
Route Nationale N°2 (RN2) reliant cette bourgade à des grands centres
urbains comme Goma et Bukavu.
L’étude se conclue par un certain nombre des recommandations.

1. Aux autorités politiques congolaises :
• Veiller au retour de la sécurité notamment dans le territoire
de Masisi, dans la province du Nord-Kivu. Ce n’est qu’à
cette condition que les déplacés, ayant fui l’insécurité,
retourneront dans leurs milieux de vie ; ce qui permettra la
reprise du fonctionnement normal des AVEC.

• Veiller à la réhabilitation de la route nationale N°2 dont
l’état de délabrement constitue un choc à l’économie locale
de Nyabibwe. Il est donc important que cette route soit
aisément accessible pour soulager cette économie locale.
2. A l’ONG Pole Institute et d’autres organisations non
gouvernementales.
• Intensifier les sensibilisations des exploitants miniers artisanaux
sur l’importance de l’épargne notamment à travers la formation
et l’accompagnement des AVEC. Dans ce cadre, ces
sensibilisations peuvent faire participer les artisans miniers
ayant déjà tiré profit de l’épargne dans les AVEC afin de servir
d’exemple à leurs pairs. Ces sensibilisations peuvent se faire à
travers les émissions Radio à fréquences régulières et les
tribunes d’expression populaire.
• Créer plus d’AVEC dans les zones minières de Rubaya et de
Nyabibwe pour toucher un plus grand nombre d’artisans
miniers. En fait, il est de principe qu’une AVEC ne peut pas
comprendre plus de 30 personnes. Cela fait que les 8 AVEC de
Rubaya et les 2 de Kalimbi ne peuvent pas absorber un grand
nombre d’artisans miniers. Ainsi, l’augmentation du nombre de
ces groupes pourra faire à ce que plus d’artisans miniers soient
touchés et, partant, intériorisent l’épargne.
• Organiser des formations au profit des membres des AVEC
notamment dans la gestion quotidienne des AVEC, dans les
techniques de partage des parts non conflictuelles ainsi que dans
la gestion financière. En effet, pour être efficaces, le
fonctionnement quotidien des AVEC doit continuer à se faire
selon les principes y afférents. Dans cette perspective, les
formations continuelles sont requises pour se rassurer que ces
principes soient intériorisés par tous les membres. De la même
manière, les membres des comités de gestion doivent être
formés sur la sensibilité aux conflits. Cela permettra à ce qu’ils
évitent toute forme des conflits dans la gestion des fonds des
membres des groupes. Il en est de même des formations sur le
partage non-conflictuel des parts à la fin d’un cycle de l’AVEC.
Aussi, des formations sur la gestion financière sont requises. En
effet, il faudrait qu’à la fin du cycle l’argent de l’épargne généré
serve à quelque chose et qu’il ne soit pas consommé sans aucune
perspective. Pour ce faire, il convient que les membres des
AVEC soient formés en éducation financière.
• Etendre la mise en place des AVEC dans d’autres zones
d’exploitation minière artisanale. En effet, dans la mesure où
cette approche s’avère efficace dans les zones minières de
Rubaya et de Nyabibwe, il s’en déduit l’utilité de son extension
dans d’autres zones où se pratique l’exploitation minière
artisanale.

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